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version radio: Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875

Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875

 

« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » affirmait Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste en1848. Cet appel à l’union des travailleurs peut sembler prophétique tant leur division pèse lourd sur le destin de l’Allemagne au XXe siècle. Ce chapitre nous invite en effet à nous pencher sur l’Allemagne, pays tardivement unifié (1871) et industrialisé mais qui connait un développement très rapide. C’est un Empire autoritaire dirigé par le chancelier Otto von Bismarck. Dans ce pays se développe un puissant mouvement ouvrier.

Celui-ci prend deux directions : la lutte syndicale, dans les entreprises, vise à améliorer les conditions de travail et de rémunération ; la lutte politique, elle, entend aussi améliorer la vie des travailleurs, mais par le biais législatif. A ce titre, l’année 1875 marque une inflexion, avec la naissance du Parti socialiste ouvrier (SAP) au congrès de Gotha.  Rapidement, le mouvement ouvrier allemand devient l’un des plus puissants d’Europe, mais il est divisé sur les moyens à mettre en œuvre pour réaliser ses objectifs. Dès lors, il convient de poser la question suivante : Comment le mouvement ouvrier en Allemagne s’est-il organisé et quel fut son rôle depuis 1875 ?

Pour y répondre, difficile d’échapper au plan chronologique tant les césures sont marquées entre les différentes périodes de l’histoire de l’Allemagne depuis 1875 : de 1875 à la guerre, nous verrons la naissance et l’affirmation du mouvement ouvrier sous l’Empire. Ceci nous conduira à analyser la division du mouvement ouvrier et ses conséquences entre 1914 et 1945. Enfin, Après la chute de l’Allemagne nazie, le mouvement ouvrier se reconstitue, mais prend des formes très distinctes dans les deux Allemagne, avant de se réunifier après 1990.

Commençons donc par le début, en 1875.

 

 I Naissance et affirmation du mouvement ouvrier sous l’Empire (1870-1914)

 

Dans cette première partie, On présentera d’abord les principales caractéristiques de ce parti né dans l’opposition, avant de souligner ses premiers succès malgré les tensions internes entre réformistes et révolutionnaires.

Le nouveau parti s’inspire du marxisme, se donne pour programme l’édification du socialisme, l’amélioration du bien être des travailleurs, la lutte contre le capitalisme libéral et la réaction féodale. Aux élections de 1877, il devient la Quatrième force au Reichstag.

Bismarck, pour l’entraver, décide alors son interdiction en 1878. Mais ces lois sont des échecs et le mouvement ouvrier se renforce dans la clandestinité. La démission de Bismarck conduit à l’abrogation de ces lois en 1890. L’année suivante, le SPD est créé au congrès d’Erfurt, jalon important de cette histoire, puisque le SPD existe toujours ojd. En 1891, ses membres réaffirment leur marxisme dans le 1er programme, qui évoque la « lutte des classes » et la « transformation de la propriété privée ».

 

Toutefois, dès le départ, ce parti est divisé : tous s’accordent sur l’objectif final, un monde où les inégalités sont réduites et où le travailleur reçoit ce dont il a besoin ; en revanche, il n’y a pas de consensus sur les moyens pour parvenir à cet objectif. Au sein du SPD s’opposent en effet deux courants : les réformistes et les révolutionnaires.  

Les premiers ont comme chef de file Berstein et espèrent beaucoup des réformes et de l’amélioration progressive des conditions de vie (lois sociales, amélioration salariale, cogestion). Ils forment l’aile droite du SPD.

A l’aile gauche, d’autres, emmenés notamment par Rosa Luxembourg, estiment au contraire que ces améliorations sont annulées par les manœuvres de la bourgeoisie (ex : l’augmentation des prix annule augmentation des salaires), qui continue d’exploiter le prolétariat. La seule solution, c’est la révolution ! ie la prise de pouvoir politique, le changement de système et l’abolition de la propriété privée.

 

Malgré cette division originelle, le mouvement ouvrier monte en puissance, sur le plan syndical comme sur le plan politique.

En 1912, avec 35% des suffrages exprimés, celui-ci s’impose comme le premier parti dans le pays. TB résultats dans les grandes villes protestantes (62% à Hambourg, 75% à Berlin)

En //, les syndicats connaissent une très forte croissance (près de 3 MM d’Allemands syndiqués à la veille de la 1GM, soit 22% des travailleurs. France : 8%). Ils recrutent avant tout chez les ouvriers qualifiés et s’organisent par branche. Ils soutiennent les luttes sociales et les grèves, et obtiennent de nombreux succès : l’Etat social allemand se met en place avec un système très avancées de lois sociales (assurance maladie, retraites, lois sur les accidents du travail) et la mise en place des conventions collectives à partir de 1902.

La répartition des rôles entre syndicats et partis se réalise assez sereinement en Allemagne, contrairement à la France ou à l’Angleterre : chacun y a une égale importance dans la lutte pour l’émancipation du prolétariat. Le syndicat gère ainsi le quotidien des affaires sociales quand le parti se charge de la gestion du pays. La relation est assez équilibrée.

Trans : Apparu à la faveur de l’industrialisation de l’Allemagne, le mouvement ouvrier s’est ainsi rapidement développé, entre légalité et clandestinité. Il a obtenu ses premiers succès, mais connait des divisions internes. La Première Guerre mondiale les fait apparaitre au grand jour. On va donc maintenant s’intéresser au…

 

II Le mouvement ouvrier d’une guerre à l’autre

 

Au départ et comme dans tous les pays européens, les socialistes votent les crédits de guerre. Pour beaucoup, cette participation à l’union sacrée constitue une trahison des idéaux internationalistes.

Mais dès fin 1914, Karl Liebknecht refuse. Avec d’autres, Ils forment le groupe Spartakus (en référence à l’esclave en révolte contre Rome) un groupe révolutionnaire dissident au sein du SPD. Durant la guerre, ils s’opposent au SPD. Pour des raisons militaires, l’Allemagne est défaite. C’est dans ce contexte qu’éclate la révolution allemande, en novembre 1918, qui met fin à l’Empire allemand. Mais les divisions du mouvement ouvrier entrainent la proclamation de 2 républiques. D’un coté, les réformistes du SPD souhaite mettre en place un régime socio-démocrate. De l’autre, les spartakistes créent le KPD (Parti communiste) le 1er janvier 1919. Ils s’inspirent de l’expérience de la révolution russe et souhaite mettre en place une république socialiste dirigé par les conseils d’ouvriers et de soldats.

 

Mais Ebert, à la tête des socio-démocrates, fait appel au corps francs (groupe d’extrême droite formé d’anciens militaires ayant conservé leurs armes) pour écraser dans le sang les spartakistes. Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht sont assassinés le 15. C’est la fin de l’insurrection. Une assemblée constituante est élue et Ebert devient le 1er pdt de la République de Weimar.

Le SPD est au pouvoir dans les années 20, c’est un parti de gouvernement.  Il met en place de nombreuses réformes sociales (nationalisation de certaines entreprises, vote des femmes, droit de subsistance).

Mais le SPD est attaqué par les communistes et par les  nationalistes, qui diffusent le mythe du coup de poignard dans le dos. A partir de 1929, la crise économique vient renforcer les nazis.

Face à leur montée en puissance, le SPD et le KPD sont opposés. Cette division du mouvement ouvrier est assez classique en Europe à cette époque et correspond à la tactique classe contre classe voulue par Staline. Elle est d’autant plus vive en Allemagne que les souvenirs de la révolution sont encore vifs. Ses conséquences sont tragiques.

Les deux partis s’affrontent violemment par voie de presse ou dans la rue et cette division ouvre un boulevard au nazi. En novembre 1932, les nazis sont encore minoritaires (33%), mais le SPD (20%) et le KPD (17%) refusent de s’allier. Hindenburg nomme Hitler chancelier le 30 janvier 1933 et il n’y a pas de soulèvement ouvrier massif.

Il saisit le prétexte de l’incendie du Reichstag en février qu’il attribue à un complot communiste pour interdire le KPD. Il obtient les pleins pouvoirs en mars 1933, dissout les syndicats en mai et interdit tous les autres partis en juillet. Les principaux dirigeants de gauche sont envoyés dans des camps de concentration.  Débute une ère d’exil, de répression et, pour quelques rares militants, de résistance jusqu’en 1945.

La répression anéantit le mouvement ouvrier. Sa division aura donc été lourde de conséquences, en ce qu’elle a ouvert la voie au nazisme. Après guerre s’ouvre une nouvelle période pour le mouvement ouvrier.

 

III Deux socialismes face à face : le mouvement ouvrier de 1945 à nos jours

 

En 1945, l’Allemagne est occupée par les Alliés. En 1947 débute la guerre froide et l’Allemagne est divisé en deux pays opposés en 1949, la RFA et la RDA. Evidemment, le mouvement ouvrier ne prend pas le même visage dans les deux pays. Il convient donc de l’étudier successivement en RDA et en RFA, avant d’envisager ce qu’il devient depuis la réunification.

Commençons par la RDA

Dans la zone soviétique, dès 1946 le SPD se joint au KPD pour former le SED, parti unique créé sur volonté de Moscou. Walter Ulbricht (1950-1971) puis Erich Honecker (1971-1989) dirigent le pays. Officiellement, la RDA, démocraties populaire, porte au pouvoir les travailleurs et est censé faire advenir un monde égalitaire. En réalité, le parti unique met en place une dictature avec une police politique (la stasi : voir le gout des autres).

Un syndicat unique est mis en place : le FDGB. Mais il est moins là pour défendre les salariés que pour leur faire accepter les décisions du régime, comme le montre l’épisode de la révolte ouvrière de 1953 : l’intervention de l’armée et la répression mettent fin à cet épisode. La grève est d’ailleurs interdite à partir de 1961 et, face aux départs de nombreux Allemands de l’Est, Khrouchtchev décide de la construction du mur en 1961.

Les organisations de masse (SED, FDGB) encadrent la société. L’appartenance à une organisation n’est pas obligatoire, mais elle conditionne l’accès à une série de bénéfices sociaux. Au sein de ces organisations, les individus sont exposés à la propagande du régime et leur comportement est surveillé et encadré. Les jeunes sont embrigadés dès l’école.

Les citoyens ne sont pas dupes et subissent la dictature en se réfugiant dans la sphère privée. Malgré la multiplication des références à Marx et aux pères fondateurs du mouvement ouvrier, la RDA le trahit.

 

En RFA,Le socialisme réapparaît après la guerre, mais sous des formes bien différentes :

Le parti communiste (KDP) est marginalisé puis même interdit entre 1956 et 1968. Cette marginalisation du communisme s’explique par l’effet repoussoir de la RDA.

Le SPD, dans l’opposition, se reconstruit et le programme de Bad Godesberg de 1959 témoigne d’une importante évolution : les références au marxisme disparaissent de ce programme et les socio-démocrates acceptent et encouragent la propriété privée et la concurrence. Le SPD ne se définit plus comme parti ouvrier ou parti de la classe ouvrière mais comme parti du peuple. Un signal pour rallier les classes moyennes.

Fort de ce programme, le SPD accède au pouvoir entre 1969 et 1982 : Willy Brandt (1969-1974) et Helmut Schmidt (1974-1982)

// Un nouveau syndicalisme s’installe en RFA, dès 1949. Chaque branche professionnelle a un syndicat, très majoritaire voire unique. Par exemple, le principal, IG-Metall, regroupe les syndiqués de la métallurgie, du textile et de l'habillement, du bois et du plastique. Tous les syndicats de branches sont regroupés dans le DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund ou Confédération allemande des syndicats), qui est très proche du SPD. 

Le modèle social allemand se constitue, fondé sur deux piliers :

Les conventions collectives : Branche par branche, syndicats patronaux et syndicats ouvriers négocient les règles sociales qui s’appliqueront (temps de travail, salaires, conditions de travail…) A la différence de la France, l’Etat intervient peu dans le droit du travail (jusque récemment, il n’y avait pas de SMIC en All : seule impératif : 4 semaines de congés payés et pas plus de 10h/jour). Pour faire pression au moment de la signature de la convention, les salariés ont le droit de faire grève. Hors de ces moments, la grève est considérée comme une pratique déloyale.

La cogestion : La cogestion part de l’idée que représentants des actionnaires et représentants de salariés ont vocation à déterminer ensemble la marche de l’entreprise. Chacun élit des représentants, qui désignent à leur tour la direction de l’entreprise (loi de 1952 et de 1976)

Ce modèle social permet une amélioration des conditions de vie des travailleurs, qui profitent également du miracle économique allemand. La consommation se démocratise.

Mais //t se développe dans les années 1970 au sein de la jeunesse une opposition d’extrême-gauche révolutionnaire (Fraction armée rouge dite « bande à Baader », qui fait de l’action violente et est durement réprimé). Mais elle a peu d’influence sur le mvt ouvrier.

 

Réunification

En 1989, chute du mur et réunification de l’Allemagne, officielle en 1990. Le SED disparait. Domine d’abord la CDU (droite chrétienne) jusqu’en 1998. Le nombre de syndiqués diminuent fortement.

Puis le SPD dirigé par Gerhard Schröder est élu, allié aux écologistes (puissants en All). Il met en place une politique libérale, éloigné des idéaux socialistes : une vaste réforme nommé agenda 2010 ou lois hartz (le PDG de Volkswagen Peter Hartz) réduit la protection sociale (flexibilité, augmentation de la durée de travail sans augmentation de salaire, ou au contraire mise en place de temps partiel avec forte diminution de salaire, diminution de l’assurance chomage, qui passe de 2 ans à 1 an et force les chomeurs de longue durée à accepter n’importe quel emploi s’ils veulent continuer à toucher l’équivalent du RSA, contrôle des chomeurs, recul de l’âge de la retraite : 45 ans de cotis pr taux plein).

Ces réformes ont permis à l’Allemagne de connaitre une forte croissance, mais elle ont conduit à l’apparition de travailleurs pauvres. Elles ont suscité une forte protestation ouvrière et une scission du SPD : Oskar Lafontaine, l’un de ses anciens dirigeants, fonde en 2007 die Linke, la gauche, et réunit des anciens communistes de la RDA (PDS), des déçus du SPD et syndicalistes. Aux élections de 2013, ils ont moins de 9%.

Ainsi la guerre froide et la réunification auront fortement marqué le socialisme avec un fort rejet de l’idéal de révolution, pourtant si présent avant guerre dans le mouvement ouvrier allemand.

 

CCL : Organisés en parti (SPD) et en syndicats, le mouvement ouvrier allemand a fortement fait progresser les conditions de vie des Allemands. Ses participants ont envisagé d’améliorer le quotidien des travailleurs soit par la négociation et l’action parlementaire (réformistes), soit par la lutte sociale et la révolution (révolutionnaires). Cette division en deux points de vue souvent opposés a pesé lourd sur le destin de l’Allemagne, tant dans l’entre-deux-guerres que dans l’après-guerre. En retour, le mouvement ouvrier a subi les péripéties de l’histoire allemandes : décapités sous le nazisme et instrumentalisé en RDA, il renait aujourd’hui mais son image est encore marquée par l’époque de la séparation des deux Allemagne, si bien qu’il n’a pu s’opposer avec vigueur au tournant libéral engagé sous l’ère Schröder et accéléré par Angela Merkel.

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