Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ProfesseurRP
ProfesseurRP
Publicité
Archives
Pages

Japon – Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales

 

La Chine et le Japon sont les deux premières puissances d’Asie et deux puissances majeures incontournables, au 2e et 3e rang mondial. Si le PIB des deux pays est comparable (10000 et 5000Mds), il est cependant en forte croissance pour la Chine, mais dix fois plus élevé par habitant au Japon. Ils sont à la fois partenaires économiques de plus en plus rapprochés, concurrents pour le leadership en Asie, et également en compétition pour leurs ambitions mondiales respectives.

Quelle place pour la Chine et le Japon en Asie et dans le monde ?

 

Culture personnelle (ou accroche possible) : Histoire contemporaine différente : Japon connaît une forte industrialisation dès la fin du XIXe siècle (ère Meiji) et s’affirme alors comme une puissance asiatique concurrente aux Européens. Expansionnisme militaire dans les années 1930 et la Seconde Guerre mondiale l’amène à contrôler une grande partie de l’Asie du Sud-Est. La Chine subit à l’inverse l’essor colonialiste des puissances européennes, et sans être formellement occupée, est dominée économiquement par les Occidentaux, puis partiellement occupée par les Japonais. Il faut attendre 1949, la fin de la guerre civile et l’installation de Mao au pouvoir pour que la Chine puisse se libérer des tutelles extérieures.

 

  1. I.                             Deux puissances asiatiques aux profils différents

 

  1. Des territoires et des ressources différents

 

Avec respectivement 9.7M de Km² et 378 000 Km², les territoires de la Chine et du Japon ne sont en rien comparables. Avec la 4ème superficie mondiale, la Chine fait figure d’Etat-continent avec des distances considérables (ligne de chemin de fer Beijing-Lhassa, 4 000 Km). L’archipel nippon (3/5è de la France) s’étend sur 3000 Km, de la latitude du Québec à celle de Miami. La Chine est un territoire d’un seul tenant, si l’on exclut l’île de Taiwan, Etat indépendant de facto depuis 1949. Le Japon est un archipel composé de 6 800 îles dont 4 grandes îles (Hokkaido, Honshu, Shikoku et Kyushu) et de 430 petites îles habitées. Avec l’espace économique de sa zone économique exclusive (ZEE), il se situe au 6è rang mondial.

La Chine est un gros producteur de matières premières, surtout destinées à sa consommation intérieure : 1er producteur mondial de blé, de riz, de viande de porc, de produits marins, 2ème producteur de maïs ; 1er producteur d’or, de fer et de charbon, 5ème pour le pétrole ; 1er pour hydroélectricité, panneaux photovoltaïques, énergie solaire et 3è pour l’éthanol. Le Japon est en revanche faiblement doté en ressources naturelles et dépendant de l’extérieur pour les matières premières.

 

  1. Puissance établie/Puissance ascendante

 

1- Le Japon, un archipel développé, une puissance établie

Déf : centre de pouvoir ancien et reconnu qui a un poids économique et un niveau de vie très élevés.

L’archipel connaît un très important essor après sa défaite militaire de 1945. Il bénéficie, avec le contexte de la guerre froide, du soutien géopolitique des Etats-Unis et des réformes qu’il a été contraint de réaliser (occupation du territoire jusqu’en 1951) : réforme agraire, restructuration des grandes entreprises. Il connaît alors un exode rural rapide et une forte croissance urbaine liée à l’industrialisation (15% de croissance dans les années 1950-60). Les investissements sont le fait des grandes entreprises japonaises (keiretsu) elles-mêmes, soutenues par l’Etat qui permet à la production nationale de bénéficier de mesures protectionnistes. Le pays fait le choix des industries lourdes et chimiques. Touché par la crise et la concurrence des années 1970, le pays ferme certains secteurs soumis à la concurrence (construction navale) ou redistribue ses activités automobiles auprès de sous-traitants en Asie, voire délocalise en Amérique, en Europe, puis en Chine, pour se réorienter vers les technologies avancées.

Malgré la crise depuis les années 1990, le Japon est l’un des pays les plus développés au monde (12ème rang mondial pour l’IDH en 2011).

 

2- La Chine, une immensité continentale entre atouts et faiblesses, une puissance ascendante

Déf : un centre de pouvoir nouveau et en ascension ayant un poids économique élevé mais un niveau de vie faible.

La Chine s’est développée dans le cadre d’une économie planifiée depuis 1949, mais très perturbée par les contraintes idéologiques et les revirements de ligne politique sous Mao jusqu’aux années 1970. Avec Deng Xiaoping, le pays s’ouvre et lance d’importantes réformes économiques à partir de 1978 (ZES). Un autre tournant a lieu dans les années 1990 avec la généralisation  de l’ouverture du territoire en 1992, la fin des entreprises d’Etat, la contractualisation du travail, la privatisation du logement et une profonde modernisation urbaine. Et en 2001, adhésion de la Chine à l’OMC.

Le territoire dispose des atouts liés à l’immensité de sa main d’œuvre et de son marché, mais pâtit de sa taille et des inégalités : les grandes villes du littoral et celles de l’intérieur abritent une classe moyenne en forte croissance, mais des provinces entières à l’intérieure du pays, encore très rurales, restent en marge du développement.

 

 

  1. II.                         Japon et Chine : les concurrences régionales

 

  1. Deux acteurs économiques majeurs en Asie

 

La Chine et le Japon sont les deux principales puissances économiques et commerciales de l’Asie et s’en disputent le leadership. Leur PIB cumulé (près de 15 000 milliards de $) correspond à plus de deux tiers du PIB asiatique. Leur commerce extérieur régional, estimé à 63%  de celui du continent, structure les échanges en Asie.

Principaux partenaires commerciaux du Japon : reste de l’Asie : 29% ; Chine : 20.5 ; Am du nord : 13.4 ; UE : 11.6 

Principaux partenaires commerciaux de la Chine : reste de l’Asie : 43.1 ; Japon : 10.6 ; A du N : 14.4 ; UE : 19.

 

La Chine s’impose aujourd’hui comme le géant régional. En 30 ans, elle a comblé son retard en s’ouvrant aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers (poids des IDE reçus : 105 milliards de $ en 2012, dont 82% en provenance du Japon et des Dragons) qui lui ont permis de devenir « l’atelier du monde », notamment celui de l’Asie. Aujourd’hui, elle ambitionne de détrôner le Japon sur le plan technologique en Asie en devenant « le laboratoire du monde ».

 

Le Japon demeure toutefois dominant en matière de recherche et de développement. Il consacre 3.6% de son PIB à la recherche et au développement (RD), contre 1.5% pour la Chine. Sa suprématie est donc technologique : dans les domaines de la robotique, de l’électronique, de l’informatique, de l’intelligence et du savoir, des nanotechnologies ou de l’environnement, les entreprises japonaises sont nettement plus innovantes que les entreprises chinoises. Sa suprématie face à la Chine est également financière : le surplus d’épargne, notamment celle des ménages, lui a permis d’accumuler un important patrimoine à l’étranger au point d’être toujours aujourd’hui le 1er créancier de l’Asie de l’Est et du Sud.

 

  1. Une interdépendance croissante entre les deux pays

 

Les relations commerciales sino-japonaises se sont intensifiées. La Chine est devenue en 2009 le 1er partenaire commercial du Japon et représente 20% de ses échanges extérieurs. Le Japon est le 3ème client (8%) et le 1er fournisseur de la Chine (13%). Entre 1972 et 2011, les échanges entre les deux pays ont été multipliés par 300. Leur commerce bilatéral représente 3% du commerce mondial.

 

Les investissements croisés entre les deux pays sont également importants. Le Japon a directement contribué à l’essor de la Chine en y investissant et en délocalisant ses usines massivement (cf. théorie vol d’oies sauvages). Le Japon est le 1er investisseur étranger en Chine, loin devant les Etats-Unis et l’UE, à l’exception des investissements chinois de Taiwan ou de Hong Kong. Près de 20 000 entreprises japonaises sont présentes en Chine aujourd’hui.

 

Les flux de personnes s’intensifient entre les deux pays. Longtemps peu nombreux (politique ancienne du Japon qui vise à limiter l’immigration), les ressortissants chinois installés au Japon sont actuellement estimés à près de 500 000, majoritairement des étudiants et des expatriés des grandes firmes chinoises. Les Japonais résidant en Chine sont environ 127 000, dont 50 000 à Shanghai.

  1. Des relations diplomatiques tendues entre des rivaux stratégiques

 

L’histoire récente entretient un climat de rivalité entre les deux Etats. Alors que les relations diplomatiques ont été rétablies en 1972, le souvenir des guerres sino-japonaises, de l’occupation japonaises en Chine (1931 – 1945, dont le massacre de Nankin en 1937) alimentent les tensions entre les deux pays, la diplomatie chinoise pesant notamment pour empêcher Tokyo d’entrer au Conseil de sécurité des Nations unies. Cette situation reflète également le fait que les deux pays se disputent le leadership stratégique en Asie de l’Est et du Sud, même si, depuis le traité de paix et d’amitié bilatéral signé en 1978, ils se sont engagés à ne pas « rechercher l’hégémonie dans la région Asie Pacifique ».

 

Certains contentieux persistent entre les deux Etats, notamment au sujet des frontières maritimes. Les ilots inhabités de Diaoyutai (en chinois) – Senkaku (en japonais) situés en mer de Chine orientale et annexés par le Japon en 1895 sont toujours revendiqués par la Chine.  Les escarmouches entre pécheurs chinois et garde-côtes japonais sont fréquents. Les fonds marins environnants les deux pays et reconnus pour leurs réserves potentielles en hydrocarbures off-shore sont également sources de tension. Au-delà de cet exemple les tensions autour des revendications chinoises sont nombreuses dans cet espace maritime très convoités.

 

Les tensions n’empêchent pas également des manifestations de solidarité mutuelle. A l’occasion du tremblement de terre meurtrier de la province sud du Sichuan en 2008, le Japon a proposé son aide à la Chine et inversement lors du tsunami de mars 2011 dans la région de Sendai au nord-est du Japon.

 

 

 

  1. III.                      Japon et Chine : des ambitions mondiales

 

  1. Deux puissances économiques de rang mondial

 

La Chine et le Japon sont les 2ème et 3ème puissances économiques mondiales. Ils représentent à eux deux près de 20% du PIB mondial. La Chine a opéré un rattrapage rapide depuis la fin des années 1970, tandis que le PIB japonais stagne ou croît faiblement selon la tendance de celle des pays les plus développés.

 

Les deux pays sont également des puissances commerciales extraverties. La Chine est le 1er exportateur mondial (1500 milliards de $ - 10% des exportations mondiales), soit le double du Japon (765 milliards et 5%, 4ème rang en 2010). Forts de leurs excédents commerciaux, les deux pays investissent massivement à l’étranger (en 2011 : 720 milliards de $ de stock d’IDE à l’étranger pour le Japon et 280 pour la Chine). Les deux pays sont ainsi devenus les 1ers banquiers des Etats-Unis puisqu’ils détiennent ensemble 45% des bons du Trésor en 2011 (émis pour financer le déficit budgétaire d’un pays – le Japon et la Chine qui les considèrent comme des placements financiers sûrs, achètent donc de la dette.)

 

La Chine est partie à la conquête du monde. Depuis 2000, les investissements chinois ont été multipliés par 20. Toutes les régions du monde et tous les secteurs d’activités sont concernés : achat de terres agricoles en Afrique et en Amérique du Sud, rachat d’entreprises aux Etats-Unis et en Europe, construction d’infrastructures dans les pays émergents.

 

Le Japon reste une formidable puissance économique, malgré la stagnation économique qui le mine depuis 20 ans. Il continue ainsi d’être un des acteurs majeurs de la mondialisation en particulier grâce au dynamisme des ses firmes manufacturières (en 2009, 208 parmi les 1000 premières mondiales). Il produit presque autant que la Chine avec 12 fois moins d’actifs. Son industrie possède 45% du parc mondial des robots.

 

  1. Des puissances géopolitiques ambitieuses mais inégales

 

1-La volonté d’une plus grande influence politique et culturelle – soft power

Le Japon et la Chine ont longtemps été des « nains politiques » et pèsent actuellement différemment dans les rapports de force internationaux actuels.

 

Démilitarisé à l’issue de la Seconde Guerre mondiale et protégé par les Etats-Unis, le Japon se contente alors d’être un acteur commercial influent et un contributeur à l’aide publique au développement. Confronté à la Chine, le Japon entend actuellement jouer un rôle politique mondial en s’émancipant de la tutelle américaine. Depuis 1993, il revendique un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Parallèlement, il s’assure une image positive dans le monde en vantant le Cool Japan (stratégie de communication qui vise à modifier l’image du Japon dans le monde et  à renforcer son rayonnement culturel à travers l’exportation de la culture de masse - Ex : la France est le 2ème marché mondial du manga avant celui de la Corée du Sud et en juillet 2011, Japan Expo a été fréquentée par 192 000 visiteurs au Parc des expositions de Villepinte).                                                                           

 

Après s’être repliée sur elle-même de 1949 à 1978,  , la Chine ambitionne actuellement de jouer un rôle politique mondial. Elle est membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU depuis 1971, fait partie du club de pays ayant l’arme atomique et se veut le leader des BRICS. Elle souhaite égaler, voire dépasser les Etats-Unis et défend pour cela l’idée d’un partenariat privilégié avec eux, parfois surnommé « le G2 ». La conquête de l’espace, l’ouverture d’instituts Confucius (instituts culturels chinois installés à l’étranger et chargés de diffuser la langue et la culture chinoises), le développement de médias internationaux (CCTV, agence Xinhua), le nombre croissant d’étudiants chinois à l’étranger (240 000 en 2009), une diaspora très active de 50 millions de Chinois d’outre-mer présents dans 150 pays (doc 3 p.348), un cinéma mondialement reconnu, l’organisation de grands événements internationaux (JO en 2008, Exposition universelle en 2010) sont les signes de l’efficacité de son soft power qui en fait une puissance culturelle planétaire et de son aspiration à devenir une superpuissance.  

                                                

2-Les deux pays aspirent également à devenir des puissances militaires – hard power.

L’armée japonaise participe depuis 1992 aux opérations de maintien de la paix (Irak en 2003, Afghanistan en 2001). Elle dispose du 7ème budget militaire mondial avec 51 milliards de dollars. L’Armée populaire de libération chinoise est la plus importante du monde avec 2.2 millions d’hommes et elle ne cesse de se moderniser. La Chine dispose du 2ème budget militaire du monde. Dans le domaine militaire, la Chine est supérieur au Japon.

 

  1. Des signes de fragilités et de faiblesse

 

Le Japon est aujourd’hui fragilisé. Le pays doit faire face depuis le milieu des années 2000 à une baisse de sa population, les décès dépassant les naissances. Sa population vieillit, la part des plus de 65 ans (23 %) étant près du double de celle des moins de 15 ans (13%). La précarisation de sa population (multiplication du nombre des sans-abris depuis la crise financière de 1990 et taux de croissance éco faible), la vulnérabilité face aux risques naturels (poids de la catastrophe écologique et industrielle de 2011), la concurrence d’autres puissances asiatiques (Chine, Corée, Inde) remettent en cause son statut de grande puissance.

 

La réussite chinoise est également fragile. Sa stratégie d’enrichissement économique la rend doublement dépendante de l’étranger : encore qualifiée d’ « atelier du monde », stade qu’elle souhaite dépasser, elle continue de constituer une plate-forme d’assemblage de produits fabriqués ailleurs ; elle doit s’approvisionner de façon importante en matières premières, ce qui induit de fortes importations en provenance de l’Afrique, du MO et de l’Asie centrale notamment.  Elle doit également composer avec la méfiance de ses partenaires commerciaux. Elle est souvent accusée de concurrence déloyale à l’OMC par les Etats-Unis et les pays européens du fait de sa stratégie de conquête  des marchés dénoncée comme agressive. De plus, le régime communiste doit faire face aux réprobations internationales sur la question des droits de l’homme, aux contestations sociales au sein même du pays (mouvements de grève) et aux aspirations populaires à plus de liberté et à moins de corruption.

 

 

Publicité
Publicité
Publicité