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Gouverner à l'échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944

 

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le nationalisme portant une responsabilité immense dans le conflit, l'échelle de l'État-nation n'est plus considérée comme capable d'assurer une paix durable et un ordre économique stable : nécessité d'une échelle mondiale de gouvernement et d'une coopération entre États. Les États-Unis tirent les leçons de leurs erreurs de l'entre-deux-guerres qui les avaient poussées à refuser d'assumer le leadership mondial et à se replier sur eux-mêmes, et entreprennent de 1944 à 1948 la mise en place d’un ensemble d’institutions devant garantir la paix, la prospérité économique, la stabilité financière ainsi que le progrès social. L'objectif de ce chapitre est de s'intéresser aux aspects économiques de cette coopération et à ses évolutions.

A partir des années 1970, ce système est progressivement remis en question et dérégulé en même temps que s'ouvre une période d'instabilité. Pour faire face à cette instabilité, la notion de gouvernance est apparue, dans les années 1980 : système de régulation internationale dépassant l'action des seuls Etats, par le biais des entreprises et de la société civile (plus qu'une simple coopération entre les États mais moins qu'un gouvernement mondial). La gouvernance mondiale repose sur la prise de conscience du caractère mondial de problèmes qui ne peuvent être réglés que par l’élaboration de normes communes en associant acteurs étatiques et acteurs non étatiques.

Entre volonté d'instaurer des règles et celle de s'en affranchir, comment la gestion de l'économie mondiale évolue-t-elle depuis 1944 ?

 

I. Une coopération internationale pour réguler le capitalisme et encadrer l'économie mondiale (1944 – années 1970)

 

Les acteurs du nouvel ordre économique qui se met en place dans l'après-guerre sont les Etats. La coopération économique mondiale est l'un des aspects du multilatéralisme que l'on cherche à faire prévaloir dans les relations internationales.

 

A. Causes et principes de la coopération économique après la Seconde Guerre mondiale

 

  1. Aux origines de la coopération économique

 

- La recherche de la paix : les EU imposent leur lecture des causes de la 2GM. Selon eux, la crise économique de 1929 et ses prolongements sont responsables de l'arrivée au pouvoir de Hitler et de l'aggravation des tensions nationalistes entre les Etats au cours des années 1930 qui mènent à la guerre. La crise a aggravé la concurrence entre les Etats qui ont eu de mauvais réflexes : dévaluation de leur monnaie pour rendre leurs exportations plus compétitives et protectionnisme pour protéger leur industrie nationale. Le résultat est une contraction et l'effondrement du commerce international. Dès 1941, la Charte de l'Atlantique stipule que la paix ne pourra être garantie que par un ordre économique mondial soutenant le développement du commerce international. L'idée est que des pays qui commercent entre eux ne se feront pas la guerre.

- La volonté de reconstruction : les EU sortent économiquement renforcés du conflit en ayant vendu des armes à leurs alliés et accordé des prêts. En 1944, leur industrie est prospère et ils détiennent les 2/3 des réserves mondiales d'or. Leurs partenaires traditionnels (Europe surtout mais aussi Asie) sont ruinés. Les EU ont deux craintes : la récession pour eux et la diffusion du communisme faisant son lit de la misère. Il faut accélérer la reconstruction dans le cadre du capitalisme libéral pour ne pas ralentir le dynamisme de l'économie américaine.

 

  1. Les accords de Bretton Woods

En juillet 1944, avant même la fin de la guerre, alors que les Alliés viennent de débarquer en Normandie, les représentants des 44 pays se réunissent à Bretton Woods, dans le New Hampshire.

L'objectif : établir un nouvel ordre économique mondial qui soit régulé par la coopération internationale.  Cet ordre doit reposer sur trois piliers (reprenant les trois grandes fonctions économiques de l’État) qui feront l'objet d'une coopération internationale : le commerce (c'est-à-dire la réglementation des échanges), la finance (c'est-à-dire la régulation des paiements) et le développement (c'est-à-dire la redistribution vers les plus pauvres).

La mise en oeuvre : instaurer unsystème monétaire internationalstable qui favorisera le développement des échanges et ne pas retomber dans le cercle vicieux des dévaluations compétitives et des décisions unilatérales qui avaient contribué à la grande crise des années 1930.

Le fonctionnement du SMI : la valeur de chaque monnaie est exprimée en or ou en dollars. LE SMI repose sur la parité fixe (taux de change fixe) des monnaies par apport au dollar (plus ou moins 1 %) qui est le seul directement convertible en or : c’est le « Gold Exchange Standard », qui institutionnalise la domination internationale du dollar. L'économiste Keynes, présent lors de la conférence, avait milité pour la création d'une monnaie internationale (le « bancor ») émise par une banque internationale supranationale pour réguler véritablement l'économie mondiale, sans que l'on soit dépendant des réserves d'or ou d'une économie dominante, mais ce n'est pas la solution qui a été choisie.

 

Les accords de Bretton Woods permettent donc la création d'une organisation monétaire mondiale, élément primordial d'une politique d’échanges commerciaux internationaux. Il s'agit de la première tentative d’établir des règles internationales pour encadrer l'économie mondiale.

 

B. La mise en place d'institutions internationales... 

 

  1. … pour réorganiser l'économie mondiale

Les fondateurs de l’ONU considèrent que la coopération économique entre les États constitue un facteur de développement mais aussi une garantie du maintien de la paix. De grandes institutions économiques sont donc rattachées à l’ONU dès sa création : elles s'inscrivent dans le sillage de la conférence de Bretton Woods et sont chargées d'organiser le SMI

- Le Fonds monétaire international, FMI fut créé en 1945. Son siège est à Washington. Il est la principale institution issue des accords de Bretton Woods. Son rôle est de veiller à la stabilité du système monétaire international et de coordonner les politiques de change. Il s'agit donc à l'origine d'encourager la coopération monétaire internationale. Cette institution est gérée par un conseil d’administration composé du président et de 24 administrateurs représentant chacun une nation. Le président est toujours un Européen. L'essentiel des ressources financières du FMI provient des quotes-parts, c’est-à-dire des contributions apportées par chaque Etat membre. La quote-part de chaque Etat membre est calculée sur la base du PIB de l'État. Elle détermine le nombre de voix qui lui est attribué ainsi que le montant de l'aide financière que ce pays peut obtenir du FMI. Ainsi à sa création, les États-Unis à eux seuls détiennent 25 % des voix et n’ont pas à se soucier des variations de leur monnaie car c’est la monnaie de référence. Les statuts du FMI, pour les décisions les plus importantes, exigent une majorité de 85 % des voix. L'accord des EU est donc nécessaire et ils détiennent de fait un droit de veto déguisé.

- La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) fut créée en 1945. Son siège est également à Washington. À l'époque, la BIRD avait pour mission de financer la reconstructionà la suite de la Seconde Guerre mondiale par des prêts à long terme. Elle finance ainsi la reconstruction des pays d’Europe occidentale et du Japon. A partir des années 1960 dans le cadre des décolonisations elle s’attache à financer le développement des pays nouvellement indépendants. Aujourd'hui, elle cherche surtout à réduire la pauvreté dans le monde et est intégrée dans un vaste ensemble appelé la Banque mondiale qui regroupe 5 institutions financières.

Le nouvel ordre économique repose donc sur la création d’institutions économiques internationales ayant pour but de promouvoir un « capitalisme organisé » (John Maynard Keynes).

 

  1. … pour réorganiser le commerce mondial

 

En 1947, trois ans après Bretton Woods, la conférence internationale sur le commerce et l'emploi de La Havane donne lieu à la signature de la Charte de La Havane instituant l'Organisation internationale du commerce (OIC). L'OIC devait constituer, avec le FMI et la BIRD, le troisième pilier du nouvel ordre économique mondial. La Charte de La Havane n'entra pourtant jamais en vigueur, le Congrès des États-Unis refusant de la ratifier.

En revanche, les EUA acceptent la mise en place d'un accord, indépendant des Nations unies, fonctionnant comme un forum de discussion : le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Le GATT est signé à Genève en 1947 par 23 pays.

Comme son nom l'indique, le GATT harmonise à la baisse les politiques douanières des États signataires. Les droits de douane sur les produits manufacturés sont abaissés pour relancer les échanges. L’objectif est de réduire les prix pour les consommateurs, favoriser l’emploi dans les secteurs où les pays possèdent des avantages comparatifs. Par delà son rôle en matière douanière, le GATT régit le commerce international des marchandises en luttant contre le protectionnisme et la concurrence déloyale. Par exemple, les subventions nationales sont strictement encadrées, les droits de douanes doivent être abaissés, tout avantage accordée à un partenaire doit bénéficier à tous les autres pays signataires du GATT.

Le GATT est beaucoup moins contraignant que la Charte de La Havane. Dans son cadre, les différends entre les États ne sont pas réglés par la cour internationale de justice mais par les États eux-mêmes. Il offre un cadre de négociations souple qui correspond aux désirs du Congrès américain de ne pas mettre en place une organisation trop contraignante, contraire au libéralisme. Le libre échange ne devient une réalité qu’à partir des années 1960. En 8 cycles de négociations on passe à 120 pays (1994) : ces cycles impliquent un nombre croissant de pays. Par exemple, le 6ème cycle, appelé Kennedy Round (1964-1967) concerne 66 pays représentant 80 % du commerce mondial. Le Kennedy Round obtient notamment la réduction de moitié des tarifs douaniers des États signataires et l'abolition des restrictions du commerce agricole.

 

C. Les limites de ce nouvel ordre économique

L’économie se relève de la Seconde Guerre mondiale plus rapidement que ne le laissait craindre la situation désastreuse de 1945 : les États-Unis réussissent la reconversion de leur économie de guerre, les pays d’Europe occidentale se reconstruisent rapidement, tout comme le Japon, soutenu par les Etats-Unis qui craignent l’expansion du communisme. Dès 1951, les échanges mondiaux dépassent leur niveau de 1929. Dans les années 1950 et 1960, les pays développés connaissent une période de forte croissance économique, soutenue par l'intervention de l'État, qui s'efforce de réguler les cycles économiques au sein d'un libéralisme tempéré. Mais le système mis en place à Bretton Woods connaît des limites.

 

  1. Un système à l'efficacité limitée

- Il est difficile de stabiliser les monnaies : beaucoup de pays européens dévaluent malgré tout (partout en 1948 – 1949, France en 1958 puis 1969, GB en 1967...)

- De nombreuses initiatives financières se font en dehors du cadre institutionnel prévu à BW : le Plan Marshall est versé directement par les EU via l’OECE , qui devient l’OCDE en 1960

 

2. Un système contesté

- Dans le contexte de GF, opposés aux principes du libéralisme économique, ni l'URSS ni les pays communistes ne participent au SMI ni n'adhèrent au GATT. Presque 1/3 de l’humanité ne participe pas à ce système

- Le nouvel ordre économique mondial est également contesté par les pays du Tiers Monde : les pays du Tiers-monde ne représentent que 17 % des exportations mondiales en 1973, alors qu’ils pesaient 34 % en 1948. Ils réclament dès la conférence de Bandung une meilleure intégration de leurs économies et ils s'assemblent en 1964 au sein de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, laquelle tente de les aider à s'intégrer de façon plus équitable dans l'économie mondiale) et du Groupe des 77 (G77) pour défendre leurs intérêts. Ils dénoncent les inégalités des termes de l’échange : ils fournissent des produits bruts aux pays industrialisés, qui en fixent eux-mêmes la valeur. En 1966, ces pays obtiennent la création par l'ONU du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

 

Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale marquent donc une étape majeure dans la construction d’une échelle mondiale de gouvernement. Fonctionnant sur un mode interétatique, celle-ci entérine la domination des États-Unis, tout en mettant en place des institutions garantissant la paix (ONU), la stabilité financière (FMI), le libre-échange (GATT), et le développement (BIRD, CNUCED). De 1944 aux années 1970, la recherche d’une coopération mondiale se fait globalement à l’intérieur du système de Bretton Woods.

 

II. De la dérèglementation à la tentative de construire une gouvernance mondiale (depuis les années 1970)

 

A. La dérégulation de l'économie mondiale

 

  1. La fin du système de Bretton Woods

 Dès la fin des années 1960, la croissance mondiale ralentit. En particulier, les États-Unis ne peuvent plus financer à la fois la conquête spatiale, l’État-providence et surtout la guerre du Vietnam. Ils doivent faire face à la concurrence des économies européennes et japonaise. La crise économique révèle son ampleur dans la décennie suivante, et se traduit notamment pas une crise monétaire. Pour soutenir l'activité, les États-Unis sont obligés d'avoir recours à la fabrication de monnaie : ils font « marcher la planche à billets », c'est-à-dire qu'ils impriment massivement des dollars, une monnaie acceptée par tous dans le monde puisqu'indexée sur l'or, la valeur refuge. La masse de dollars en circulation dans le monde augmente donc, représentant en 1971 cinq fois la valeur de l’or conservée aux États-Unis. Autrement dit, les États-Unis n'ont plus les moyens de garantir la convertibilité de leur monnaie en or, fondement du Gold Exchange Standard. Logiquement, le président américain Richard Nixon annonce, le 15 août 1971, la fin de la convertibilité du dollar en or.

La fin du système de Bretton Woods devient officielle en 1976 lors des accords de Kingston qui officialisent l’abandon du système des parités fixes entre les monnaies et la fin du contrôle des changes. Les monnaies voient désormais leur cours fluctuer sans contrôle, ce qui encourage la spéculation monétaire et rend les économies plus instables. Les États peuvent ainsi faire fluctuer leur monnaie en fonction de leurs intérêts économiques et commerciaux : dévaluer pour favoriser le commerce extérieur, réévaluer pour limiter l'inflation ou favoriser les investissements à l'étranger.

 

  1. Le recul de la régulation de l'économie par les États

L'avènement de politiques néolibérales : La crise économique favorise l’avènement du néolibéralisme. Née aux États-Unis et en Grande-Bretagne, cette théorie attribue la crise aux interventions de l’État dans l’économie (critique du keynésianisme. Cf. cours Gouverner la France). Ronald Reagan et Margaret Thatcher en sont les deux principaux promoteurs.

Au sein des États, elles se caractérisent par un retrait du rôle de l’État dans l'économie et une réduction des dépenses publiques : privatisation des entreprises publiques, allègement massif de l'appareil législatif encadrant l'activité économique, baisse drastique des impôts, baisse du montant des prestations sociales liées aux différents programmes de l’État-providence (politiques de « rigueur » ou d' « austérité »). Les partisans ce cette politique parlent d'« ouverture », de « libéralisation », de « flexibilisation » de l'économie ; ses opposants de « dérégulation »

L'accélération de la mondialisation remet en question le pouvoir des États : Ces politiques libérales font exploser les échanges de biens et de services : en 60 ans, entre 1948 et 2010, la valeur des exportations et des importations dans le monde a été multipliée par 250 ! Des éléments d'explication :

De nouvelles réductions des barrières douanières sont négociées dans le cadre des accords du GATT lors du Tokyo Round (1973-1979). En 1986 s’ouvre l’Uruguay Round, le plus grand cycle de négociation du GATT (117 pays). Il vise l'abolition de toutes les formes de protectionnisme (quotas, normes). Les FTN profitent de cet abaissement des barrières douanières et des politiques attractives menées par certains États dans une dynamique de concurrence.

Pour stimuler les échanges avec leurs voisins, les pays tendent aussi à se regrouper au sein d’organisations régionales continentales : UE, ALENA, Mercosur, ASEAN.

 

La déréglementation des activités financières et ses conséquences : Dans les années 1980, la dérèglementation des activités financière s'accélère : suppression des règles fixées par les pouvoirs publics pour encadrer les activités financières : les opérations financières complexes, les montages financiers douteux ne sont plus contrôlés. Au même moment, les marchés s'informatisent, ce qui va dans le même sens d'un accroissement extraordinaire des flux financiers. On fait désormais confiances aux capacités d'autorégulation des marchés et au contrôle d'autorités indépendantes des États comme les agences de notations, institutions privées chargées d'évaluer la solvabilité des entreprises, des États ou des régions.

Ces politiques contribuent aussi à la création d’un marché mondial des capitaux dérégulé : on parle à cet égard de globalisation financière. Ce recul de la régulation publique dans le domaine de la finance internationale entraîne une accélération de la mondialisation mais aussi la multiplication des crises financières à partir de 1997.

- L'éclatement de la bulle internet en 2000 : dans les années 1990, la « nouvelle économie » (NTIC, télécommunications et informatique) génère une croissance spectaculaire aux États-Unis. Mais elle entraîne aussi une spéculation boursière sur le marché des entreprises de haute technologie, le Nasdaq basé à New York. Entre 1995 et 2000, l’indice Nasdaq avait ainsi été multiplié par 5. En 2000, un réajustement très brutal des cours sur cette place boursière (krach boursier) fait chuter les autres bourses de la planète. On parle alors de l’éclatement de la « bulle spéculative des valeurs technologiques »

- La crise des subprimes en 2008 : Les banques ont accordé facilement des crédits immobiliers (subprimes) à des ménages américains modestes, qui pensaient faire une excellente affaire en achetant une maison dont le prix allait augmenter avec les années. Les remboursements du prêt étaient indexés sur cette augmentation présumée de la valeur de la maison. Avec l'éclatement de la bulle immobilière et le krach de 2008, les prix de l’immobilier se mettent à baisser, les ménages sont incapables de rembourser ce qu’ils doivent et se retrouvent avec une maison qui ne vaut plus rien – mais toujours un prêt à rembourser. Or, ces prêts immobiliers ont été transformés en produits financiers : c’est ce qu’on appelle la « titrisation ». Ces titres sont vendus à d’autres banques au sein de montages complexes. Par conséquent, quand une banque d’affaires américaine, Lehman Brothers, a fait faillite au début de l’automne 2008, une crise boursière et bancaire mondiale s’est enclenchée.

Cette crise a suscité une réponse immédiate des États, craignant de voir ressurgir l’équivalent de la récession qui a suivi le krach boursier de 1929. Les États-Unis, les États de l’Union européenne et le Japon ont mis en place des plans de sauvetage des banques et de relance de l’économie. Ils aggravent la dette publique pour soutenir les banques et éviter les faillites. Les États européens, profondément endettés, notamment la Grèce, traversent une crise monétaire grave depuis mai 2010, aggravée par la spéculation boursière sur les dettes souveraines. C'est la « crise de l'euro ».

Dans ces différentes crises, banques et grandes entreprises, afin d'éviter la faillite, ont largement fait appel aux États pour les renflouer financièrement, rappelant ainsi l’importance de l’intervention publique dans la « gouvernance » de l’économie... Ces désordres financiers ont imposé l’idée d’une nécessaire régulation mondiale de l’économie.

 

 

B. L'évolution des institutions internationales fondées après la 2GM

 

  1. L'évolution du rôle du FMI depuis les années 1970

Depuis les accords de la Jamaïque en 1976 et la disparition d’un système de change fixe, le FMI n’a plus pour mission de garantir la stabilité des taux de change dans une marge de 1 %. En revanche, il assume de nouvelles missions et doit faire face aux problèmes d’endettement des pays en développement et aux crises financières.

Quand un pays connaît des difficultés financières qui pourraient compromettre la stabilité de son système, le Fonds monétaire international lui accorde des prêts afin de garantir sa solvabilité et d’empêcher l’éclatement d’une crise économique. Cette institution est donc en quelque sorte « la banque centrale des banques centrales ». Le FMI et la Banque mondiale conditionnent désormais leurs prêts aux pays les plus pauvres à l’adoption de mesures de libéralisation, appelées « programmes d’ajustement structurel » : abaissement des barrières douanières, réduction des dépenses publiques, privatisations... Cette réduction du rôle de l'État et cette ouverture à la concurrence mondiale eurent parfois des résultats catastrophique dans les pays en développement et font l'objet de critiques virulentes depuis les années 1990.

 

  1. La création de l'OMC en 1995

L'essor des échanges internationaux depuis les années 1980 avec l'arrivée de nouveaux pays (Chine, Russie, Europe de l’Est) est à l’origine d’une nouvelle phase de la mondialisation. Ainsi, à l’issue du cycle de négociations l’Uruguay Round (1986-1994), les 125 pays membres du GATT décident de créer l’OMC (Organisation mondiale du commerce) parles accords de Marrakech. Négociés et signés par la majeure partie des puissances commerciales du monde, les accords de l'OMC permettent de remplacer le GATT par une institution permanente chargées de défendre le libéralisme. Installée à Genève, entrée en vigueur en 1995, indépendante de l'ONU, l'OMC s'occupe des règles régissant le commerce international dans le but de favoriser la production, l'exportation et l'importation de marchandises et de services dans le monde. Elle veille à la libre concurrence entre les partenaires commerciaux et peut infliger des amendes aux pays qui en faussent le jeu : l’Organe de Règlement des Différends (ORD) et l’Organe d’Appel Permanent (OAP), assurent la résolution des litiges commerciaux entre les Etats au niveau international. L'OMC compte aujourd'hui 159 pays.

 

Ces accords de Marrakech abaissent une nouvelle fois les tarifs douaniers, interdisant de pénaliser commercialement un produit importé par rapport aux produits nationaux. Ces accords concernent notamment

  • l’agriculture
  • la propriété intellectuelle (face à la multiplication des échanges de produits touchés par la question de la propriété intellectuelle : droits d’auteur, brevets … l’OMC a intégré celle-ci dans ses accords afin d’harmoniser la façon dont les États protègent leurs droits, mais aussi pour stimuler l’innovation (brevet : 20 ans tombe dans domaine public)
  • pour la première fois, les services.

 

En 2001, à Doha (Qatar), 145 pays lancent le « cycle de Doha » pour engager des discussions sur un nouvel abaissement des tarifs douaniers et la suppression des subventions aux exportations agricoles. En 2006, ce cycle s'est soldé par un échec des négociations sur la question hautement sensible de la libéralisation de l'agriculture : l'OMC est accusée de pousser les États en développement à ouvrir leur marché, alors qu'elle échoue à convaincre les pays développés et émergents de renoncer à leur protectionnisme agricole ou industriel. Le cycle de Doha permet aux pays du Sud de contester les modes de décision et les décisions prises par les pays développés. L’échec du cycle de Doha montre en quoi l’intensification des échanges à l’échelle planétaire rend une gouvernance économique mondiale à la fois de plus en plus nécessaire et pourtant très difficile à mettre en place.

 

 

C. La recherche d'une nouvelle gouvernance mondiale

 

Pour lutter contre l'instabilité et les crises économiques et financières, la nécessité d'une gouvernance mondiale est de plus en plus mise en avant dans les années 1990 et 2000. Le terme vient des milieux économiques et est repris en 1989 par la Banque mondiale puis le monde politique et médiatique. La gouvernance prend deux voies distinctes.

 

  1. L'influence croissante d'acteurs non étatiques

La première cherche à établir de nouvelles règles dans les relations internationales en tenant compte des conséquences de la mondialisation. Cette gouvernance se manifeste par l’influence grandissante des acteurs non étatiques comme les FTN (lobbying), les ONG (campagne d'opinion), les experts scientifiques. Cette gouvernance est défendue par les organisations internationales, en particulier l’ONU qui, à travers les grandes conférences qu’elle organise sur les principales questions globales, a beaucoup contribué à la promouvoir. Les conférences sur le changement climatique placées sous l'autorité scientifique du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), créé en 1988, en sont un exemple.

Parmi les institutions influençant la gouvernance économique mondiale, il convient aussi de citer le World Economic Forum, qui a lieu tous les ans à Davos en Suisse et réunit des dirigeants de FTN, des experts et des chefs d’états.

L'altermondialisme est un mouvement issu de la société civile réunissant des acteurs et des mouvances très divers qui regroupe aussi bien des associations politiques et syndicales (en général de gauche) et des ONG : tous s'accordent à dénoncer la mondialisation, certains mettant plus l'accent sur l'aspect économique des inégalités, d'autres sur les atteintes à l'environnement et aux spécificités culturelles. Ce mouvement si divers oscille entre le réformisme et l'idéal de rupture totale. Néanmoins, la plupart des altermondialistes cherchent à définir des alternatives crédibles au modèle libéral plutôt qu'à rester dans l'opposition systématique. Il s'agit plutôt de proposer une autre mondialisation que de refuser le principe de mondialisation afin de réguler les déséquilibres économiques, sociaux et écologiques aggravés par la mondialisation libérale.

Les altermondialistes se réunissent pour protester en masse contre les forums de négociations de l'OMC, de Davos, ou du G8 puis du G20 et ont d'ailleurs réussi à faire échouer les négociations de l'OMC à Seattle en 1999. Mais ils adoptent aussi une démarche réflexive et constructive : le mouvement altermondialiste organise lui-même ses propres forums de discussion, les forums sociaux mondiaux, conçus à l'initiative de la gauche brésilienne, d'ATTAC et du Monde diplomatique : entre 2001 et 2005, le Forum social mondial s'est réuni à Porto Alegre au Brésil. Il s'agit d'un espace de réflexion et de débats sur les alternatives possibles à la mondialisation libérale. Depuis 2005, il est souvent organisé sur d'autres continents (Karachi, Mumbai, Bamako...) afin de donner la parole à ceux qui souffrent de la pauvreté et non à ceux qui la théorisent. Ils regroupent chaque année plus de participants issus de plus de 130 pays. Le slogan le plus repris est celui d' « une mondialisation solidaire » ou « un autre monde est possible »

 

  1. L'institutionnalisation des rencontres entre les chefs des Etats les plus puissants

La seconde cherche à coordonner l'influence des États les plus puissants de la planète par l’institutionnalisation de rencontres multilatérales. C’est ainsi qu’en 1974 naît le G6, groupe de discussion et de partenariat économique, qui se réunit chaque année. Il rassemble six pays parmi les plus puissants du monde : États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie. Il s’ouvre au Canada en 1975 (G7) puis à la Russie en 1998 (G8). A la faveur de la crise de 2008, il s’élargit pour former le G20 afin de tenir compte des nouveaux équilibres de l’économie mondiale, en particulier de l’ascension des pays émergents. Le G20 concentre 90 % du PIB mondial et les deux tiers des échanges mondiaux. A l’origine limitées aux questions économiques, les discussions du G20 se sont ouvertes à tous les thèmes : migrations, flux illégaux, environnement, terrorisme.

 

 

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