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L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie

 

 

Petit rappel : L’Algérie a été conquise par la France à partir de 1830. Progressivement, elle devient une colonie de peuplement dans laquelle coexistent plusieurs populations (colons, arabes, berbères) dont les droits sont différents. Contrairement au Maroc ou à la Tunisie, elle est organisée en départements. En mai 1945, plusieurs manifestations pour l’indépendance sont réprimées violemment par l’armée française et donnent lieu au massacre de Sétif et Guelma (le bilan est difficile à établir : entre 10 000 et 20 000 Algériens sont tués)

La guerre d’Algérie ou révolution algérienne ou guerre de libération nationale (les mots sont importants car, s’ils désignent la même réalité, ils n’ont pas du tout le même sens) désigne la période 1954-1962, au cours de laquelle différents groupes politiques et militaires algériens affrontent l’armée française. Le 18 mars 1962 sont signés les accords d’Evian et l’Algérie devient indépendante le 3 juillet.

Ce sont les événements de cette période dont nous allons étudier les mémoires conflictuelles en Algérie et en France.

Quelles sont les différentes mémoires de ce conflit ? Pourquoi s’opposent-elles ? Dans quelle mesure l’histoire a-t-elle réussi à dépasser ce conflit de mémoires ?

Pour ce faire, plan en deux parties chronologiques : on verra d’abord les mémoires immédiates du conflit jusqu’aux années 1970, puis depuis.

 

I Histoire et mémoire immédiates : censure, oubli et version officielle (1954- années 1970)

 

A / la « guerre sans nom »

La guerre d’Algérie est d’abord en France une guerre sans nom : on parle d’ « opération de pacification » ou des « événements d’Algérie » (officiellement jusqu’en 1999).

Quelques intellectuels dénoncent cependant la torture (« Manifeste des 121 », vérité-Liberté, 1960 : « faut-il rappeler que, quinze ans après la destruction de l’ordre hitlérien, le militarisme français […] est parvenu à restaurer la torture »), mais la censure frappe les ouvrages (La question de Henri Alleg ou la chanson le déserteur de Boris Vian) et certains sont inquiétés par la police (H-I Marrou).

Au contraire, la propagande gouvernementale met l’accent sur les violences du FLN comme celles de Palestro en 1956.

Après guerre, le gouvernement tente d’effacer le passé : les lois d’amnistie qui « pardonnent » tous ceux qui ont participé à la guerre, censure toujours active. Le silence est vu comme un remède aux blessures de guerre et l’oubli est perçu comme nécessaire. Les historiens n’ont pas accès aux archives.

 

B/ La révolution algérienne

De l’autre coté de la Méditerranée au contraire s’élabore une toute autre version des faits : le FLN accapare le pouvoir (parti unique) et constitue une mythologie nationale à sa gloire. Selon cette version des faits, le peuple algérien se serait dressé tout entier derrière le FLN. L’action de la France est stigmatisée et le FLN parle d’1 million et demi de martyrs (les historiens estiment plutôt à 300 000 le nombre de victimes algériennes). Les tensions avec le MNA de Messal Hadj sont gommées.

L’histoire est donc instrumentalisée au service du pouvoir qui met en exergue sa propre mémoire partielle.

Trans : on a donc bien deux mémoires différentes, de part et d’autre de la Méditerranée, ce qui est assez logique puisque ces deux versions parlent d’une guerre, qui n’a pas été vécu de la même manière dans chaque camp. Dans les années 1970, le retour du refoulé fait son apparition.

 

 

II Les conflits mémoriels (années 1970 à nos jours)

A/ De la renaissance des mémoires de guerre…

Après la phase d’oubli au cours de laquelle les mémoires n’apparaissent guère dans l’espace public, renaissance dans les années 1970 : en 1972, des films (avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier), des livres (Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la république) paraissent sur la question.

Les archives militaires s’ouvrent en 1992 et les historiens peuvent se mettre à travailler plus sereinement.

La reconnaissance de la guerre d’Algérie intervient en France officiellement en 1999.

En Algérie, la version officielle est contestée lors du printemps berbère (manifestations violemment réprimé en Kabylie qui conteste l’arabisation de l’Algérie). Mais le gouvernement persiste dans sa version et inaugure un somptueux mémorial à Alger en 1982. Il n’a jamais vraiment permis l’expression de mémoires divergentes, ce qui n’est pas sans poser de problème aux historiens algériens.

 

B/ …A la guerre des mémoires

En Algérie, le gouvernement a mis fin au processus électoral et l’histoire reste dominé par la version officielle.

En France, l’histoire des mémoires de la guerre d’Algérie révèle la persistance d’une guerre des mémoires assez vives : les aveux des généraux Massu et Aussaresses sur la torture ont ravivé la polémique dans les dernières années du XXe siècle. Le gouvernement prône désormais une mémoire pacifié (inauguration un mémorial de la guerre d’Algérie à Paris en 2002).

Néanmoins, l’article d’une loi de 2005 qui vantait « le rôle positif de la présence française en Afrique du nord » a suscité une juste polémique et a dû être retiré => la mémoire est loin d’être apaisé et le conflit est vif.

Question-discussion à la classe : quelles mémoires de la guerre d’Algérie portez-vous ?

Ainsi les pieds-noirs continuent-ils d’insister sur les massacres perpétués par le FLN et la guerre d’Algérie reste une « passé qui ne passe pas ».

Il subsiste encore un certain nombre de nostalgiques de l’Algérie française : J-M Le Pen par exemple qui a combattu en Algérie. Certains honorent même la mémoire de l’OAS (Organisation Armée Secrète : groupe terroriste qui a fait de attentats en France au début des années 1960 et qui voulait maintenir la présence fr en Algérie).

Les harkis (algériens combattants du coté de troupes françaises) estiment, à juste titre, avoir été abandonné par la France et restent traumatisés

De l’autre coté, les émigrés algériens venus s’installer en France et leurs descendants mettent plutôt en exergue une mémoire favorable au FLN et la guerre d’Algérie est souvent utilisé pour justifier une identité spécifique.

On est donc bien dans une forme de guerre des mémoires, qui complique le travail des historiens.

D’ailleurs, pour reprendre le document de Sylvie Thénaux : elle appelait à la création d’une fondation indépendante. Sa démarche avait partiellement abouti et un projet de fondation indépendante et de musée avait vu le jour en 2008. Les choses avaient bien avancé, sous la houlette d’autorités municipales de gauche à Montpellier. Mais le changement de majorité aux dernières élections en 2014 (retour d’une majorité de droite) a fait capoter le projet : en lieu et place du musée sur la guerre d’Algérie, un musée d’art contemporain verra le jour…

 

Conclusion : Vers la réconciliation des mémoires ? Ecrire une histoire dépassionnée de la guerre d’Algérie

 

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