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Le Sahara : ressources et conflits

 

 

     Le Sahara, situé en Afrique du nord, est le plus vaste désert chaud du monde (8,5 millions de km²) qui s’étire sur 6000 km d'est en Ouest (de l’Océan Atlantique à la Mer Rouge) et sur 2000 km du Nord au Sud). Les préjugés géographiques à son sujet sont tenaces : un désert, donc vide, frontière ou barrière entre le monde méditerranéen et l'Afrique noire. C'est en réalité bien plus une charnière qu'une frontière et un espace de plus en plus actif qui concentre les enjeux géopolitiques et économiques.

     Quelles sont les enjeux éonomiques et géopolitiques du Sahara et les convoitises qu’ils suscitent ?

 

     A. Les contraintes et ressources d'un désert en mutation

 

  1. Les contraintes naturelles et humaines

 

Les contraintes naturelles : le Sahara est un désert intertropical, c’est à dire caractérisé par des températures élevées (jusqu’à 58°), de très faibles précipitations et une forte amplitude thermique (jusqu’à -18° la nuit). C’est donc un vaste espace hostile à l’homme qui s’étend sur 8.5 millions de km2. Le Sahara n'est pas qu'un désert de sable : plusieurs massifs montagneux élevés y son présents : le Hoggar (Algérie), le Tibesti (Tchad), l'Aïr (Niger)... Sa partie sud, le Sahel est toutefois plus fertile. On y trouve des steppes qui forment un espace de transition entre le milieu désertique et le milieu tropical, mais depuis une cinquantaine d’années, le Sahel est soumis à un phénomène désertification, les périodes de sécheresse s’allongent à cause du réchauffement climatique. Les distances à parcourir sont immenses et avec 0,6 hab. /km2, le Sahara apparaît comme un espace isolé expliquant que sa mise en valeur soit difficile.

Les contraintes imposées par l'homme : le Sahara est un espace divisé entre dix États (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Soudan Tchad, Niger Mali, Mauritanie). Les frontières sahariennes sont des limites récentes et sans fondement géographique. En effet, elles datent de la colonisation de l’Afrique par les Européens au XIXème, principalement par la France et la Grande Bretagne et l'Italie. Elles ont été déterminées par les anciennes métropoles en fonction de leurs intérêts stratégiques et militaires, mais sans prendre en compte les facteurs humains et économiques : calquées sur le tracé des méridiens et des parallèles (d'où leur caractère rectiligne), elles ignorent les territoires traditionnels de parcours des populations nomades du désert. Ces dernières, comme les Touaregs, vivent dans cinq États (Algérie, Mali, Niger, Libye, BF). Elles ignorent aussi les espaces traditionnels des populations sédentaires, comme les Songhai qui vivent à cheval sur trois États (Mali, Niger, Burkina Faso).  Dans la mesure où ces frontières ignorent totalement les réalités humaines, géographiques et sociales préexistantes et où les remises en question amèneraient à une refonte complète, l’Organisation de l’Unité Africaine a affirmé au lendemain des indépendances un principe globalement respecté depuis : l’intangibilité des frontières.

 

  1. Des ressources nombreuses

 

Les ressources minières ou en hydrocarbures : le Sahara compte de nombreux gisements d’hydrocarbures (pétrole et gaz), dont les plus importants se situent en Libye (gisements de Syrte) et en Algérie (gisement d’Hassi Messaoud). Des minerais rares composent également le sous-sol saharien : le Niger peut compter sur des gisements d’uranium et d'étain, le Maroc et le Sahara Occidental sur des gisements de phosphate, la Mauritanie sur des gisements de fer. La présence de ces matières premières sur les sols nationaux a entraîné l’aménagement des différents territoires concernés. Le nord du désert en Algérie et en Libye est traversé d’oléoducs et gazoducs qui aboutissent à de grands ports méthaniers ou pétroliers comme Arzew en Algérie et Syrte en Libye.

L’eau : dans un espace caractérisé par de très faibles précipitations, elle représente une ressource précieuse et convoitée pour les États du Sahara. L’eau se trouve d'une part à la surface et a conditionné le peuplement traditionnel du Sahara : premièrement dans les oasis, comme celle de Tamanrasset en Algérie ou de Siwa et du Fayoum en Égypte, qui ont été lourdement équipées afin de devenir des centres de production agricole performants, notamment avec la culture du palmier dattier. Deuxièmement dans la vallée du Nil, qui est le seul fleuve à traverser le Sahara du Nord au Sud.  L'Égypte a construit dans les années 1960 un gigantesque barrage hydro-électrique sur le Nil, le barrage d’Assouan... L'eau se trouve d'autre part dans le sous-sol dans de vastes nappes non renouvelables : les aquifères fossiles.  En Libye, la Grande Rivière Artificielle est une canalisation souterraine géante de 3000 km qui sert à acheminer les eaux pompées à 500 ou 800 mètres de profondeur vers les villes du littoral. Sur le trajet de la canalisation, on a développé dans le désert des cultures irriguées. Ce programme a demandé 25 ans de travaux et a absorbé la moitié du budget de l'État. Il est par ailleurs critiqué au nom de sa faible durabilité : les nappes pompées ne se reconstitueront pas et une partie d'entre elles sont communes aux pays voisins qui sont mis devant le fait accompli. La durée de fonctionnement de cette GRA ne sera pas de plus de 50 ans.

Un fort potentiel en matière d’énergie solaire et éolienne qui reste à valoriser. En effet, le Sahara offre des conditions favorables à la mise en place de d’infrastructures de production d’énergie durable. Au Maroc l'État a ainsi développé un programme de construction d’éoliennes (projet Sahara Wind).

Un potentiel touristique : Les paysages et les peintures rupestres peuvent représenter un potentiel touristique, sous formes de randonnées et de découverte des déserts. Mais les révolutions arabes de 2011 et le manque de sécurité ont considérablement limité ces activités récemment. L'État marocain tout particulièrement tente néanmoins de valoriser de cette manière le sud du pays.

 

  1. Un désert qui s'urbanise

 

     Certes, l’essentiel de la population et des activités des États se partageant le Sahara se trouve dans leur partie non désertique. L’observation d’une carte de l’occupation et de l’aménagement du territoire, révèle que les États tournent le dos au Sahara : les pays du nord du Sahara sont tournés vers la Méditerranée, les pays du Sahel vers des espaces moins contraignants au Sud. Cependant, depuis quelques décennies, on observe que de nouvelles dynamiques se sont mises en œuvre au Sahara, notamment maghrébin. Les pouvoirs publics (particulièrement en Algérie) ont pris le parti  d’aménager des portions désertiques de leurs territoires nationaux : développement des activités d'extraction, d'une agriculture modernisée, sédentarisation des populations nomades.   La conséquence est que le Sahara n'est plus un désert d'hommes, l'urbanisation progresse, surtout dans le Sahara maghrébin. Dans les années 1950, seule la ville algérienne de Biskra, aux portes du désert saharien, dépassait les 50 000 habitants. Aujourd'hui, plusieurs dizaines de villes comptent plus de 100 000 habitants (ex : Tamanrasset en Algérie ; Nouakchott, la capitale mauritanienne qui approche le million d'habitants). En une trentaine d'année, le Sahara a gagné environ 5 millions d'habitants. 

Le Sahara n’est donc pas perçu dans sa globalité mais est aménagé aux échelles nationales. Ses ressources font l’objet aujourd’hui de nombreuses convoitises et jouent un rôle important, dans l’intégration de cet espace qui paraît marginal à l’échelle des États, dans la mondialisation.

 

     B. Le Sahara, objet de convoitises et de tensions

 

  1. Un désert convoité et parcouru

 

Les hydrocarbures et les minerais attirent la convoitise de nombreux acteurs : États nationaux ou étrangers, sociétés d’exploitation privées ... Les FTN pétrolières ou gazières comme l’Américain Exxon, le Chinois CNPCou le français Total sont présentes au Mali, Tchad ou Niger. L’exploitation de minerais attire également les investisseurs étrangers, comme le français AREVAqui contrôle l’exploitation de l’uranium au Niger (gisement  d'Arlit et futur gisement d'Imouraren).  Cette forte présence étrangère donne aujourd’hui lieu à de nombreuses critiques. Les flux de capitaux vers l’Afrique se multiplient, les flux de travailleurs étrangers vers les sites d’extraction augmentent et participent à intégrer le Sahara dans la mondialisation, mais certaines ONG ou journalistes dénoncent le poids exagéré des gouvernements et des entreprises étrangères dans l’économie et la politique des pays du Sahara. La France est particulièrement critiquée à travers l’expression « Françafrique ».

Le potentiel éolien et solaire est aussi convoité par les Européens : les Allemands ont lancé en 2009 le consortium Desertec, à l'origine d'un projet énergétique très ambitieux : exploiter à très grande échelle l'énergie solaire et éolienne du désert pour couvrir d'ici 2050 les besoins en électricité du PO, de l'Afrique du Nord et 15 % de la consommation européenne. Il s'agit d'un projet de 400 milliards d'euros sur 40 ans.

Le Sahara est un espace d’échanges et de circulation très ancien. Ces échanges ont néanmoins varié dans le temps.                             

     Pendant des siècles, le désert saharien fut parcouru par les caravanes des peuples nomades, les Touaregs ou les Toubous, qui empruntaient des routes commerciales reliant la rive méditerranéenne au Sahel et s'appuyant sur des oasis-relais, points de carrefour où s’échangeaient des produits venus du Nord contre des produits venus du Sud. La pénétration des Européens en Afrique, au XVIIIème siècle, la colonisation du continent africain, au XIXème siècle et la volonté des nouveaux États indépendants à partir des années 1960 de contrôler leurs frontières ont progressivement ruiné le commerce transsaharien Nord-Sud qui s'est détourné au profit des comptoirs et des ports construits par les Européens. Le commerce transsaharien  par caravanes a quasiment disparu, mais après une éclipse, les relations transsahariennes (motorisées) ont repris, perpétuant une forme de continuité : du sud viennent des marchandises simples (le sel, le bétail, l’arachide, le sésame, le henné) tandis que du nord viennent aussi des produits manufacturés (tissus, appareils électriques,...) mais aussi des produits alimentaires.  Les axes empruntés sont essentiellement des axes routiers méridiens peu nombreux et peu reliés entre eux. Les moyens de transport employés sont des camions, surchargés, mal équipés, mal entretenus… qui servent de bus et de camion en même temps.  De plus, l’espace saharien est mal contrôlé et lieu de tensions ce qui en a fait un lieu privilégié pour tous les trafics illicites et les produits de contrebande : cannabis, armes, cigarettes, alcool…

     Les migrations se sont quant à elles intensifiées  à partir des années 1970.Toutes les migrations ne visent pas l'Europe, beaucoup de migrants restent dans les pays du nord Sahara, plus riches que la partie sud.  Quelle que soit leur destination finale, leur présence modifie profondément les régions traversées. Dans la plupart des localités du Sahara algérien et libyen, 20 % de la population est subsaharienne.  Parmi eux, beaucoup de clandestins.

     Le Sahara est donc un espace qui met en contact l’Afrique subsaharienne avec l’Afrique du Nord et au-delà l’Europe. Malgré les nombreuses contraintes, il s’agit d’un espace de plus en plus parcouru et habité qui s’intègre de façon originale dans une certaine mondialisation. Mais objet de convoitises, divisé entre plusieurs États, et traversé par des flux illicites il se caractérise également par des tensions et conflits divers.

 

  1. Des tensions et conflits nombreux

 

Les conflits frontaliers : héritées de la colonisation, ces limites territoriales peinent à être reconnues et acceptées. L’Algérie et le Maroc ont des relations diplomatiques extrêmement tendues pour cette raison, mais le conflit le plus grave est celui du Sahara Occidental. Ce territoire avait été colonisé par l'Espagne à la fin du XIXeme siècle. Le Maroc considère qu'il fait partie intégrante de son territoire, ce que conteste un mouvement local, le Front Polisario, qui souhaite obtenir l'indépendance de ce territoire, avec le soutien très intéressé de l’Algérie. Depuis un cessez-le-feu signé en 1991, le statut juridique du territoire n'est toujours pas réglé. Le conflit est aggravé par la présence d’importants gisements de phosphate au Sahara Occidental.

Les infrastructures permettant d’exploiter les ressources du Sahara sont également sources de tensions entre les pays. L'Égypte accuse ainsi la Grande rivière artificielle de Libye de capter de l'eau de nappes fossiles qui se trouvent sous son territoire. On peut également citer les conflits entre Soudan et Égypte pour le contrôle et l’exploitation du Nil, liés notamment au barrage d’Assouan qui provoque selon les saisons inondations et des pénuries d’eau par endroits.

Des conflits ethniques : les peuples nomades représentent une autre source de conflit. Au XIXème siècle, leur espace de migration a été divisé par les frontières coloniales, et ils ont été incités à se sédentariser, de façon plus ou moins pacifique. Afin de contrôler leurs frontières et leur population, les États nationaux ont essayé de mettre en place des politiques d’acculturation. Les nouvelles frontières ont désorganisé les réseaux d’échange et bouleversé les modes de vie traditionnels liés à un système pastoral nomade qui a conduit à un appauvrissement. L’exploitation de certaines ressources se fait parfois au détriment de populations autochtones. Ainsi, même si de nombreux Touaregs se sont sédentarisés pour se fixer dans quelques villes du Sahara comme Tamanrasset, leur intégration aux sociétés demeure très difficile, et beaucoup restent attachés à leur culture et à leur mode de vie traditionnel, ce qui provoque d’importantes tensions. Ces tensions peuvent aller jusqu’au nationalisme armé, à cause du manque de contrôle de la région et de l’importance du crime organisé. Trois grandes révoltes Touareg ont agité le nord du Mali et du Niger, au cours des années 1960, 1990 et 2000. Ces révoltes sont animées par des groupes radicaux, comme le Mouvement National pour la Libération de l’Azawad, parfois proche des mouvements islamistes, comme Ansar Dine.

La guerre civile au Darfour depuis 2003 est elle aussi une guerre intra-étatique qui a une dimension ethnique (populations noires rebelles contre populations arabes dominantes), mais de nombreux autres enjeux se superposent : les aspects climatiques, pétroliers, démographiques et politiques.

La montée de l’islamisme et du terrorisme :  le ressentiment nomade et le trafic d’armes ont en effet représenté un terreau favorable pour le terrorisme islamique. Depuis 2003, le mouvement terroriste AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) sévit ainsi dans le sud de l'Algérie et surtout en Mauritanie, au Mali et au Niger. Ses actions consistent à enlever des Occidentaux pour bénéficier de l'argent des rançons. En janvier 2012, ce mouvement devient suffisamment puissant pour organiser un soulèvement au Mali. C’est ce soulèvement qui a entraîné l’intervention de la France en janvier 2013, avec l’aide et le soutien de l’ensemble de l’Union Africaine. Cette intervention révèle l’importance prise par le Sahara dans la géopolitique mondiale. 

 

     Le Sahara est très difficile à contrôler c'est un vaste espace hostile morcelé entre une dizaine d'États  dont il constitue généralement une marge.  Il suscite des convoitises à cause de ses nombreuses richesses qui intéressent des acteurs nationaux ou étrangers. Parcouru et habité, le Sahara est donc un espace très complexe qui s’insère dans la mondialisation et constitue un enjeu géopolitique et économique de plus en plus important.

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